Comment rendre le carburant hydrogène plus écologique ?

Share Button

creative-commons-logo-7e6cb48896425c9cfcbe611dd74edafecet article a été publié par The Conversation France.
Auteure : Clarisse Lorreyte ; Postdoc en Génie des procédés au LGPM-Chaire Biotechnologie. Développement d’un procédé d’élimination de H₂S et et de CO du syngaz par réaction gaz-solide en lit fixe dans le but de la purification d’hydrogène pour l’application des voitures à hydrogène., CentraleSupélec – Université Paris-Saclay

Un bus à hydrogène à Berlin.
StralsundByzantion/wikipedia, CC BY-SA

Clarisse Lorreyte, CentraleSupélec – Université Paris-Saclay

Impératifs climatiques obligent, la recherche d’énergies alternatives aux carburants fossiles mobilise tant les chercheurs que les citoyens. Parmi les solutions en vogue, mais néanmoins souvent controversées, le moteur à hydrogène. Même les trottinettes s’y mettent ! Le fonctionnement est simple : soit l’énergie générée est de nature mécanique grâce à la combustion de l’hydrogène en étant raccordée à un réservoir (comme nos moteurs de voiture actuels) ; soit l’énergie générée est électrique, par oxydation de l’hydrogène dans une pile à combustible.

En général le mot combustion rime plutôt avec pollution… Et pourtant, l’hydrogène présente l’avantage majeur d’avoir une combustion non carbonée – pas d’émissions de monoxyde de carbone (CO) ni de dioxyde de carbone (CO2). Le seul produit issu de cette combustion est l’eau ! Autrement dit, la réaction chimique qui permet de libérer l’énergie, laquelle alimentera le moteur, ne produit aucun polluant ni gaz à effet de serre.

Produire de l’hydrogène

Néanmoins les moteurs à hydrogène restent au cœur du débat et de la controverse. En effet, si l’hydrogène en tant que tel ne pollue pas, obtenir de l’hydrogène n’est pas simple car il n’est pas disponible à l’état naturel. Il faut donc le produire et c’est là que ça se complique… Aujourd’hui les deux options majoritaires pour générer de l’hydrogène sont le vaporeformage (95 % de l’hydrogène est obtenu par cette méthode) et l’électrolyse.

Le vaporeformage est une réaction entre de la vapeur d’eau et un combustible fossile (pétrole, charbon, gaz naturel) au cours de laquelle la vapeur d’eau casse les molécules d’hydrocarbures pour libérer l’hydrogène. Contrairement à la combustion de l’hydrogène, cette réaction entraîne la production de CO2. Le procédé n’est donc pas une solution réellement pérenne : en effet, bien que des méthodes de stockage et de valorisation du CO2 ainsi émis sont de plus en plus communes, le vaporeformage alimente notre dépendance aux énergies fossiles et ne fait que reculer la question de l’épuisement des ressources.

L’électrolyse de l’eau est une autre solution prometteuse dans le sens où l’électricité utilisée est elle-même propre (pas de dépendance aux énergies fossiles et pas de production de polluants ou gaz à effets de serre). Mais ce procédé reste très coûteux (environ quatre fois celui du vaporeformage). La facture est élevée en raison de la qualité de l’eau qui doit être très pure, opération qui est chère.

Un moteur à hydrogène serait donc finalement non polluant si in fine le processus de fabrication de l’hydrogène l’était aussi. Cependant, une troisième option de production d’hydrogène a attisé récemment l’intérêt des chercheurs : la gazéification de biomasse.

Valoriser la biomasse

La biomasse englobe tous les déchets d’origine végétale ou animale qui peuvent être réutilisés à des fins énergétiques. C’est un vrai joker pour l’environnement : en effet, la biomasse est renouvelable et son cycle de fixation du carbone est beaucoup plus court que ceux des énergies fossiles. En l’utilisant, on a aussi l’avantage de produire de l’hydrogène local tout en valorisant des déchets.

Pour produire de l’hydrogène, cette biomasse va subir un processus appelé par les spécialistes la pyrogazéification :il s’agit d’un traitement thermique suivi d’une réaction chimique avec de la vapeur d’eau, le tout à haute température. La biomasse va alors se transformer en ce qu’on appelle communément le « char », un charbon végétal, et libérer un mélange de gaz appelé le syngaz.

La centrale de Güssing convertit des copeaux de bois en syngaz pour les besoins de l’agglomération.
Gerfriedc/Wikipedia, CC BY

Ce syngaz est composé de plusieurs espèces, dont de l’hydrogène mais aussi du CO, du CO2 et du sulfure d’hydrogène (H2S). Il est donc nécessaire de purifier ce syngaz afin d’isoler l’hydrogène des autres espèces gazeuses. Pour cela plusieurs étapes de purification et d’enrichissement en hydrogène du syngaz sont nécessaires.

Dans le cadre du projet VitrHydrogène, un procédé industriel est développé afin de produire ce syngaz à partir de biomasse locale. Ce procédé inclut la pyrogazéification et est couplé aux différentes étapes de purification et d’enrichissement.

Chaque gaz a ses propres caractéristiques et le procédé de purification pour chaque espèce gazeuse n’est pas le même. Pour l’H2S par exemple, il s’agit de remplacer l’atome de soufre par l’atome d’oxygène et donc de convertir l’H2S en vapeur d’eau (H2O).

Il existe diverses options pour la séparation du H2S : cela peut se faire par un lavage à l’eau, par adsorption chimique ou physique, par passage sur un tamis moléculaire ou encore par désulfuration biologique en utilisant des microorganismes. Une autre option, qui a déjà fait ses preuves pour la désulfuration à de très faibles concentrations, est la réaction sur lit d’oxydes métalliques.

Purifier les gaz

Ce procédé consiste à faire passer le gaz à travers un lit de particules d’oxydes ou d’hydroxydes métalliques. Le choix de l’oxyde se fait selon un compromis entre le coût du matériau et la probabilité de la réaction avec H2S à survenir. Pour mesurer ce dernier paramètre, on se réfère à ce que l’on appelle l’enthalpie libre de réaction. Cette valeur représente l’énergie libérée au cours de la réaction. Si cette valeur est négative, on parle alors de réaction spontanée ou plus précisément de réaction « thermodynamiquement » favorisée. Le lit d’oxydes métalliques étant poreux, le gaz circule entre les particules et diffuse également à l’intérieur des pores. Cette configuration permet un écoulement lent et un temps de contact plus long entre le gaz et les particules pour favoriser la réaction chimique.

Écoulement de gaz au sein d’un milieu poreux.
V. Pozzobon, Author provided

Le soufre de H2S réagit avec l’oxyde métallique en remplaçant un atome d’oxygène. L’oxygène libéré se lie à l’hydrogène pour former une molécule d’eau.

En circulant au sein du lit, le soufre issu de H2S est donc retenu et le gaz en sortie purifié. Néanmoins, il faut s’assurer que le volume du lit soit suffisamment grand pour retenir tout le soufre présent dans le syngaz. En effet, une fois le lit saturé en soufre, l’H2S circulera alors sans être retenu par les particules : on parle alors du temps de percée.

Schéma de la réaction entre le lit d’oxydes métalliques et H₂S.
P. Perré, Author provided

Nous travaillons donc sur l’optimisation de ce procédé afin d’obtenir un gaz en sortie dont la concentration en H2S est conforme aux normes de pureté imposées. Une fois le syngaz désulfuré, il doit encore passer plusieurs étapes de purification pour reconvertir la vapeur d’eau produite en hydrogène puis éliminer les traces de CO, et de CO2, ainsi qu’une étape d’enrichissement d’hydrogène pour avoir une pureté adéquate aux normes requises pour les piles à combustible actuelle.

En optimisant chaque étape de purification, il sera alors possible d’obtenir un hydrogène local, renouvelable, moins polluant et valorisant des déchets. Un tel hydrogène, performant d’un point de vue énergétique, pourrait également être utilisé pour d’autres usages, comme l’injection dans les réseaux de distribution de gaz naturel ou la production d’électricité.

Clarisse Lorreyte, Postdoc en Génie des procédés au LGPM-Chaire Biotechnologie. Développement d’un procédé d’élimination de H₂S et et de CO du syngaz par réaction gaz-solide en lit fixe dans le but de la purification d’hydrogène pour l’application des voitures à hydrogène., CentraleSupélec – Université Paris-Saclay

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Ajouter un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *