Un graffiti démoniaque orne la devanture du portail. Le largo da Batata, situé dans le quartier de Pinheiros à Sao Paulo, offre un havre de paix tout brooklynien au sein de la mégalopole de plus de onze millions d’habitants et de ses immenses bâtiments. Ici, dans cette oasis à taille humaine, vit l’artiste plasticien Alexandre Orion, un véritable paulista comme son nom ne l’indique pas. Issu des cultures urbaines, cet ex-gamin des quartiers sud (Jabaquara), là où les limites de la ville se confondent avec la banlieue, a commencé à treize ans à graffer les murs de Sao Paulo. Aujourd’hui, il est un des artistes les plus inventifs du Brésil.
Il faut s’acharner plusieurs fois sur la sonnette pour attirer l’attention d’Alexandre. Bermuda en jeans et t-shirt, la barbe travaillée, l’artiste s’excuse pour l’attente :« Désolé, j’étais en plein travaux domestiques. J’en ai pour 5 minutes mais viens avec moi ». Dans le salon, certaines de ses photographies sont accrochées au mur. Des sérigraphies de crânes humains, sous différents angles, font face à la photo de jeunes footballeurs qui balle au pied défient… un gardien peint sur un mur. Pourtant, ne vous attendez pas à trouver la passion nationale du football chez Alexandre Orion. « Je n’aime pas le football », s’excuse-t-il presque de prime abord, avant de concéder son importance culturelle.
« Le football est un sport perverti. Un gamin qui vient d’une favela, un sur un million, va réussir et s’enrichir. Et sur tous les autres, les puissants blanchissent leur argent sale grâce à ce business », livre-t-il. La veille, les rues de ce quartier, qui était à la pointe en juin dernier des manifestations anti-Coupe du monde, étaient bondées. Le Brésil piétinait face aux Mexique lors de son deuxième match du Mondial (0-0). « Il y avait des milliers de personnes. Les gens buvaient et beaucoup pissaient de partout comme au carnaval. Les gens vont aux manifestations comme ils vont voir les matchs de Coupe du monde. C’est comme une catharsis », raconte l’artiste.
En éveil, interrogatif Alexandre Orion cherche à comprendre comment les légions de manifestants mécontents se sont métamorphosées en supporteurs de football. « Au Brésil, nous n’avons pas de vraie conscience politique. On est contre, on est pour. Les même qui manifestaient hier, sont aujourd’hui dans les rues pour faire la fête. Et finalement, pourquoi devrait-on se priver de l’occasion de faire la fête, de boire et de danser, de rencontrer des gens ? Mais à la fin, les problèmes restent… », analyse-t-il, un brin désabusé.
Un temps confiant en la capacité du Parti des travailleurs, de l’ancien président Lula et de l’actuelle Dilma Rousseff, à changer les choses, Alexandre Orion se montre désormais sans illusions : « Le système entier est corrompu. C’est impossible d’y entrer et d’espérer le changer. Il faut tout reconstruire différemment et encore, serait-ce suffisant ». Et sans concessions : « Un travailleur pauvre qui trime toute la journée va gagner 700 réaux (reais) par mois. A la retraite, il en touchera la moitié. C’est ça le Brésil ».
Imprégné jusqu’à l’os par Sao Paulo, , la ville la plus peuplée d’Amérique latine, Alexandre Orion en est indissociable. « Ici, c’est le résumé d’une mégalopole. Sao Paulo, c’est le rêve et le cauchemar d’une ville. Sao Paulo, c’est le meilleur exemple de ce qui est le meilleur et le pire dans une ville », clame-t-il dans un sourire. Ville des extrêmes, ville où l’on trouve les plus riches et les plus pauvres, Sao Paulo est l’un des endroits au monde où l’on dénombre par exemple le plus d’hélicoptères privés. Cité insaisissable, elle demeure difficilement compréhensible par le visiteur.« Sao Paulo ne ressemble à aucune autre ville et en même temps, elle est semblable à toutes », assène l’artiste.
En dialogue permanent avec son environnement, Alexandre Orion n’a commencé à l’appréhender qu’en commençant à le peindre : « Je graffais les murs, ceux même à côté desquels je faisais du skate avant. Puis, derrière, j’ai vu des sans-abris. J’ai regardé la ville différemment. Elle commençait à me parler ».
En 2004, un projet complètement fou germe dans son esprit. Il met deux ans à le réaliser. Marqué par la pollution qu’il trouve dans le tunnel Max Feffer, il décide de contourner les lois qui sanctionnent le graffiti. « J’étais très impressionné par la quantité de pollution trouvée sur les parois du tunnel. Souvent, le délit réside dans la technique, qui est censé abîmer les murs. J’ai inversé le processus en lavant la saleté pour faire apparaître les crânes », raconte Orion.
Déboussolées, les autorités envoient la police des dizaines de fois. Impuissante, elle ne peut que constater que le trouble-fête ne fait que laver les parois, ce qui n’est pas interdit. Alors que la moitié du tunnel de 600 m est recouverte, donnant l’impression de pénétrer dans des catacombes aux automobilistes, la mairie envoie finalement ses équipes de nettoyage. « Lorsque je leur ai demandé pourquoi ils ne nettoyaient que la partie du mur travaillée, ils ne savaient pas que répondre. Après, une partie du tunnel était immaculée pendant que l’autre conservait sa crasse. Là, le message dérangeait clairement », se rappelle-t-il.
Depuis, le Paulista a réalisé d’autres travaux artistiques. Il réalise notamment des fresques sur des centrales thermiques, à partir de la pollution qu’il a récolté en pigment dans le tunnel Max Feffer. « Même si elles en sont à l’extérieur, les centrales font partie des villes puisqu’elles produisent l’électricité qui les nourrissent », détaille-t-il. « C’est la ville elle-même qui produit le travail, c’est le même mécanisme », s’amuse-t-il.
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Article paru sur http://piwee.net/1street-art-camion-sales-pollution-doigts120814/
Par Gaelle Reymond –
Ben Long – Sa philosophie : c’est à l’art de venir vers nous et non l’inverse ! Pour ce faire, il a trouvé une manière originale de faire découvrir ses oeuvres au plus de monde possible : dessiner sur des camions blancs salis par la pollution avec son doigts. Le résultat est spectaculaire et à le mérite en plus de sensibiliser à la pollution routière. Du très beau travail !
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Article paru sur http://www.chine-informations.com
Liang Kegang est Chinois et vend de l’air des montagnes françaises en bocal pour 600€ à Pékin –