Elise Mareuil : « je propose une voie de progrès… »

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Avec Karim BECHARA et Alexandre MOREIRA ses associés, élise MAREUIL travaille en région parisienne. Ils ont créés Agapi, des crèches écologiques et coopératives, des lieux d’accueil pour la petite enfance et les familles. Des trentenaires qui rêvent d’un autre monde ? C’est plus que possible ! à écouter élise Mareuil s’exprimer sur leurs actions, leurs engagements, ils sont de cette génération qui préfère agir et faire vivre leurs envies d’une société plus juste, plus écologique, plus connectée à la nature et moins dirigée par le graal du profit à tout prix. Et tout commence dans la petite enfance…

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Christian Coste : dans un livre sur l’éveil à la nature chez les tout petits, publié chez DUNOD, vous  développez l’idée que connecter les très jeunes enfants à la nature permet de favoriser des expériences positives et ouvre des chemins vers un monde plus écologique grâce à des comportement respectueux de l’environnement naturel. D’où vous vient cette sensibilité à l’écologie ?

Elise Mareuil : « il y a deux choses parallèles, je suis d’abord allée vers la petite enfance et c’est la petite enfance qui m’a amené vers l’écologie et non l’inverse. J’ai forcément une sensibilité à ce niveau là, je suis née à Provins qui est une petite ville médiévale où mon arrière grand mère avait une grosse ferme et ma grand mère qui vivait en centre ville avait au fond du jardin reconstitué une petite ferme avec les poules, les lapin etc. A Provins qui est ancrée en plein cœur de la seine et marne, j’ai vécue au milieu de la nature et des vielles pierres. Née en 1982, je suis d’une génération un peu perdue au niveau écologie ; en fac on entendait parler plus de développement économique que d’écologie. En grandissant je me suis installée plutôt dans des milieux urbains et j’ai compris très tôt que mon chemin allait vers la petite enfance. Avec un papa directeur d’école primaire et une maman secrétaire médico sociale, j’ai été bercée par des personnes avec des belles valeurs humaines et qui militent pour l’éducation, la base de tout dans la vie. Ensuite, je me suis dirigée vers un métier de travailleur social comme éducatrice de jeunes enfants. J’ai très vite travaillée autour de la sensorialité parce que les tous petits sont des êtres de cinq sens. Puis j’ai eu toute une réflexion autour du développement durable.

élise Mareuil

Karim BECHARA, Elise MAREUIL, Alexandre MOREIRA

A Agapi on tient beaucoup à cette notion de développement durable dans une période ou le greenwashing, qui consiste à peindre une façade en vert et dire qu’on est bio et écologique, est partout.

Ces dernières années se sont développées beaucoup de crèches écologiques mais en 2007 quand on a commencé, les crèches écologiques il y en avait 2 ou 3, ce n’était pas à la mode et nous n’avons pas surfé sur un phénomène de mode. Par contre ce qui n’existait pas et qui existe encore très peu ce sont des structures qui au delà de fournir un bâtiment écologique et respectueux de l’environnement sont dans une vraie démarche totale de pédagogie d’éveil de l’enfant à la nature. »

CC : Vous vivez en région parisienne et les crèches Agapi sont en milieu urbain, ça ne doit pas être facile de faire de l’éveil à la nature en ville, non ?

EM : « Nous avons décidé avec mes deux associés qui viennent de Seine-Saint-Denis, d’ouvrir notre première structure en Seine-Saint-Denis là ou j’ai fait mon mémoire d’étude. Offrir à des jeunes enfants de Seine-Saint-Denis un jardin de 350M2 en plein centre ville à côté d’une voie ferrée c’était un vrai défi. Là on vient d’ouvrir une autre crèche aux pieds d’immeubles en pleine ZUP à Argenteuil. Le défi dans ces milieux urbains c’est comment connecter le jeune enfant citadin à la nature. C’est ce que j’essaie de développer dans le livre, connecter l’enfant à la nature ce n’est pas seulement l’emmener en grande forêt, avoir un immense jardin, vivre à la campagne, car on sait bien que ce n’est pas le cas de tous les enfants. La nature est partout autour de nous et c’est ça qui est important. Par exemple en Seine-Saint-Denis il y a d’immenses parcs et les gens ne le savent pas. Il faut faire une sensibilisation ; on a un travail partenarial très fort avec les jardins partagés, avec les personnes qui entretiennent ces parcs, pour faire découvrir aux familles des milieux urbains tout ce qui peut les aider à être en relation avec la nature. »

CC : il y a l’éveil à la nature pour les tous petits dans les crèches Agapi, puis ils rentrent chez eux manger du Danone et boire du Coca cola?

EM : « Nous n’avons pas à imposer quoi que ce soit aux parents, nous proposons des solutions alternatives ; fini les lingettes, remplacées par du liniment et des parents qui l’adoptent pour leurs enfants. Peu de jouets en plastiques qui clignotent.

Nos crèches ne sont pas des modes de garde, ce sont des lieux d’accueil pour toute la famille.

Par exemple l’éveil au goût et le gâchis alimentaire sont abordés avec une association (de mon assiette à notre planète) qui vient dans les locaux pour partager avec les parents et les enfants en fin de journée un moment convivial et non culpabilisant autour d’ateliers, de jeux… La semaine de la nature, la fête du développement durable, la journée mondiale de l’eau et des forêts, le mois de l’économie sociale et solidaire, tout est prétexte à partager une vision du monde éco-responsable par des petites expos, des ateliers…

Ce que je crois, c’est qu’il y a très peu de gens qui ont une réflexion sur la sensibilisation à l’éveil à la nature avant 3 ans. Et c’est vraiment pour ça que j’ai fait un livre sur ce sujet. Quand j’ai fait des recherches pour AGAPI sur le tout petit et la nature, il a fallu que j’aille au Québec, en Belgique et en Suisse. La plupart du temps on trouve des choses après 3 voire 6 ans ce qui est très bien mais je pense qu’il y a quelque chose à jouer dès le tout petit avec la sensorialité et la connexion à la nature.

Le travail que je fais pour les crèches est venu nourrir ma réflexion sur ma propre vie. Par exemple fabriquer soi même des produits pour le lave vaisselle, le dentifrice, le déodorant etc. Je suis aussi dans cette démarche individuelle de réduction des déchets chez moi.

Je pense qu’il y a quelque chose qui est en train de bouger, je le vois autour de moi. Nous sommes de plus en plus nombreux à nous rendre compte de nos modes de consommation avec nos achats de vêtements made in China, nos produits de beauté sans regarder ce qu’il y a dedans… Je vois beaucoup de gens de ma génération qui sont en évolution. »

CC : Que ce soit dans les crèches Agapi ou dans ce livre « jouer avec la nature », vous êtes  impliquée dans une démarche écologique et coopérative ; vous êtes une 100% écolo ?

EM : « A mon domicile ou pour les crèches Agapi, notre fournisseur c’est enercoop, mon moteur de recherche c’est lilo, l’entreprise qui s’occupe de l’entretien utilise des produits écologiques et nous allons vers du nettoyage vapeur…affiche-agapi

Je suis toujours très claire avec les gens, on aura jamais un établissement 100% bio et écologique, le plastique recyclé pourquoi pas ?

C’est pas tout de dire qu’on fait du bio et de l’écologie, mais si c’est quelque chose qui vient de l’autre bout de la planète, ça n’a pas de sens. Il y a toute une réflexion à avoir sur de l’achat local. Si je caricature, par exemple ne vaut-il pas mieux du 50% bio et des producteurs locaux plutôt que de chercher à tout prix du 100% bio, du 100 % écologique mais qui vient du bout du monde et qui n’est en fait plus du tout dans une notion de développement durable ?

Je ne viens pas vendre des crèches 100% écologiques, je propose une voie de progrès vers l’écologie.

Dans le monde de l’écologie, en France, les choses sont tout de suite très politisées et je ne m’identifie pas forcément à des gens ultra connus. Les bureaux d’Agapi sont à la Ruche qui est espace de coworking à Paris dédié à l’entreprenariat social et solidaire. Je rencontre au quotidien des entrepreneurs qui ne sont pas connus et pourtant je suis admirative des gens que je rencontre par exemple l’équipe de Reporterre, qui comme tous ces entrepreneurs de la ruche sont des gens très inspirants. Evidemment on a relayé des appels de la fondation Nicolas Hulot qui est la première à venir travailler sur la qualité de l’air dans les crèches en collaboration avec écolocrèche. Je parle de la fondation Nicolas Hulot et non pas que de la personne. »

CC : A l’origine du projet AGAPI, il y a trois fondateurs écolo ?

EM : « Karim, Alexandre et moi nous sommes retrouvés sur des valeurs communes, de partage des revenus, de coopération, de bien-être des salariés, de bien-être des enfants, d’écologie, de développement durable. On est perpétuelle évolution. Pour le moment nous ne sommes pas arrivés à la perfection que l’on aimerait avoir sur tous nos fournisseurs, sur tout le matériel des crèches, ça prends énormément de temps et nous travaillons étapes par étapes pour tendre le plus possible vers des actions éthiques et équitables.

Nous sommes des passionnés et plutôt que de râler dans notre coin, de nous indigner, nous agissons à notre échelle pour faire bouger les choses et c’est ce qui nous a amené à une création d’entreprise.

La question qui est importante c’est : qu’est ce que je peux faire à mon niveau pour faire bouger les choses.capture-d%c2%b9ecran-2015-04-21-a-18-51-59

Quand je feuillette les catalogues de Noël, je suis agacée de voir qu’on est encore avec des jouets made in China tout en plastique, avec beaucoup de sexisme, avec des objets pas du tout adaptés au développement du jeune enfant et dans l’ensemble très loin d’une perspective d’éveil à la nature et aussi très loin de l’écologie. Après une fois que j’ai dît ça, la question est : qu’est-ce que je fais moi pour sensibiliser les gens à une autre façon de voir les choses. Il y a aussi une vraie question d’éducation. Les gens achètent ces jouets là parce que c’est l’information qu’on leur donne, on leur dit que c’est bien pour leur enfant et il est utile d’ouvrir d’autres voies et d’entendre d’autres voix. Pierre Rabhi par exemple, parle beaucoup d’éducation et pas seulement d’écologie ; Céline Alvarez dont on entends beaucoup parler en ce moment agit aussi dans ce sens. Il y a beaucoup de gens qui travaillent à amener les familles à trouver d’autres activités ludiques pour les enfants que ce qui est proposé traditionnellement. »

Avec le livre « jouer avec la nature », élise Mareuil propose un outil pour les parents comme pour les professionnels de la petite enfance. :)

 

 

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