La pollution, la politique, les politiques et les petits pas…

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« Glyphosate, publicité alimentaire, poules en batteries… le projet de loi, voté par l’Assemblée le 30 mai, est resté sourd aux attentes de la société civile et loin des promesses du président Macron, » peut-on lire dans un éditorial du monde.fr. Rien de nouveau, les gouvernements se suivent et aucun n’a le courage d’entamer une véritable et honnête évolution de nos modes de productions. Alors, il nous reste la politique fiction et l’analyse des petits pas et des lâchetés. Et les « lobbies » ne sont en rien responsables, ce sont les élu(e)s qui manquent de vision, de courage et d’abnégation. Espérons qu’en 2032…

Matignon, le 4 juillet 2032 : « Nous allons vivre une période d’augmentation massive du chômage dans de nombreux secteurs d’activités et nous pouvons déjà dire que l’issue sera pour le moins paradoxale : une qualité de vie rendue à chacun(e) d’entre nous, car depuis le fameux grenelle de l’environnement de 2007, il y a déjà 25 ans, la politique des petits pas n’a pas réussie à garantir un air, une eau et des sols « propres ». La décision de la Présidente de la république de supprimer tout forme de source de pollution, entrainera dans les mois qui viennent, la cessation d’activité de milliers d’entreprises ».

calendrier-2032Cette déclaration de la première ministre, le 4 juillet 2032, a créée la stupeur et l’incompréhension dans une grande partie de l’opinion et depuis, 4 ministres ont présenté leur démission, l’agriculture, l’industrie, la santé et l’énergie. La ministre du travail a quant à elle, décidé de rester concentré sur sa mission en résumant son point de vue à la sortie du conseil des ministres : « nous allons enfin et c’est une salutaire décision de notre présidente, pouvoir créer des centaines de milliers d’emplois nouveaux. Malheureusement des métiers vont être contraints de s’adapter, d’évoluer plus vite que prévu à cette nouvelle donne des activités professionnelles, à cette mutation vitale. En tant que ministre du travail, je vis un moment historique où la France montre au monde qu’il est possible de travailler sans polluer, qu’il est possible de créer de la richesse sans détruire l’environnement, qu’il est possible d’être un pays écologie et activité économique sont les deux faces d’une même médaille. Nous allons y arriver ! En novembre 2015, Ségolène Royal alors ministre de l’écologie déclarait sur Europe 1 « il y a toujours les enjeux d’emplois contre les enjeux de santé publique. Il faut inventer les mutations ». Depuis, nous avons vécus la politique des petits pas. C’est vrai que nous allons aussi connaître dans les années qui viennent un chômage conjoncturel important, mais nous avons préparé les outils pour gérer cette transition des pratiques professionnelles. »

Ce qui précède est bien entendu de la politique fiction, y compris le fait que des femmes occupent les fonctions de Présidente de la république et de première ministre en même temps, mais d’ici 2032…sait-on jamais, on peux rêver !

Mais revenons à la réalité, avec un flashback sur 2015 et 2016.

En juillet 2015, le sénat publiait un rapport sur le coût économique et financier de la pollution de l’air et l’estimait entre 68 et 97 milliards d’euros par an.
En janvier 2016, la Cour des Comptes présentait un rapport sur les politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air.
En mai 2016, c’est le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques à l’assemblée nationale qui rendait son rapport en s’appuyant entre autre sur celui de la Cour des comptes.

Les conclusions de ces rapports dressent des constats :

Commission d’enquête du sénat (Commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air – « Pollution de l’air : le coût de l’inaction » – juillet 2015 )

  • échec des mesures prises depuis 20 ans.
  •  Les mêmes mesures incessamment proposées, étudiées, non appliquées, oubliées puis
    proposées à nouveau.
  • Soumission à l’illusion selon laquelle la pollution est la conséquence nécessaire de la
    croissance économique.
  • Subir la pollution est une aberration sanitaire et économique.
  • La France ne respecte pas les obligations qui s’imposent à elle en matière de
    protection de la  population contre la pollution de l’air.
  • La pollution de fond est supérieure aux normes européenne.
  • Des progrès ont été faits, certains polluants ont quasiment disparus, mais la pollution
    de l’air a changé de nature.
  • La pollution de l’air met en danger les populations, l’activité économique et
    l’environnement.

Rapport de la Cour des comptes (Les politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air – Décembre 2015 – Cour des comptes – www.ccomptes.fr)

    • La plupart des actions et outils mis en œuvre en France afin de lutter contre la pollution de l’air depuis une trentaine d’années découlent essentiellement de l’impulsion de l’Union Européenne.
    •  Le dispositif de surveillance de la qualité de l’air est efficace… des efforts restent à faire pour prendre en compte des polluants identifiés plus récemment comme les pesticides.
    • Les rejets de polluants industriels ont diminués notablement…
    • Les mesures prises ont pour point commun de ne pas mettre en œuvre le principe « pollueur-payeur ».
    • La lutte contre la pollution de l’air passe par une implication beaucoup plus forte de tous les agents économiques.
    • Il n’existe pas de politique structurée.

Evaluation des politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air –
(Assemblée nationale – 19 mai 2016).

  • Les rapporteurs  sont convaincus de l’utilité et de la pertinence des actions mises en œuvre pour lutter contre la pollution de l’air; depuis 20 ans, elles ont obtenues avec l’appui du progrès technologique, des résultats très significatifs, voire spectaculaires.
  •  La pollution de l’air est un phénomène insuffisamment connu, seuls une quinzaine de polluants sont surveillés.
  • La planification nationale en faveur de la qualité de l’air est instable et souffre d’un manque d’évaluation.
  • Le contrôle des émissions des véhicules souffre de faiblesses structurelles.

Que nous apprennent ces rapports ?

Nous apprenons que globalement les politiques publiques sont sur ces sujets fondamentaux, faites de petits pas, d’absence de vision globale et dans l’incapacité d’agir efficacement face à la complexité des questions liées à la pollution de l’air. Par exemple le plan Écophyto présenté en 2008 avait fixé un objectif de diminution d’utilisation des phytosanitaires dans l’agriculture de 50%. Or, c’est l’inverse qui s’est produit, on observe une augmentation.

Le ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll auditionné le 11 juin 2015 par la commission du sénat déclarait :  « à mon arrivée en 2012, leur utilisation était en hausse…Le plan Ecophyto 2 fixe de nouveau objectifs, plus réalistes : moins 50% en 2025, avec un objectif intermédiaire de moins 20% en 2020 ».
C’est donc noté, objectif -50% en 2025, dans 9 ans !

le monde de l'écologie

le monde de l’écologie © 

Il faut mettre en perspective ces objectifs du ministre de l’agriculture avec les propos du député Martial Saddier, (co-rapporteur – Les républicains- des travaux de la commission d’évaluation des politiques publiques sur la pollution de l’air), entendus le jeudi 19 mai 2016 à l’occasion de la présentation du rapport : « Les agriculteurs ne sont pas au courant qu’ils sont susceptibles d’êtres à l’origine de la détérioration éventuelle de la qualité de l’air ». Notons les mots choisis (pas au courant ; susceptibles ; éventuelle) et cette prudence quand un député parle des agriculteurs. Si les agriculteurs ne sont pas au courant qu’ils participent à la pollution de l’air, comment en 9 ans pourront-ils réduire de 50% l’utilisation des phytosanitaires ? le célèbre professeur en endocrinologie pédiatrique Charles Sultan, déclarait le mardi 22 mars 2016 à l’occasion d’une intervention prés de Montpellier dans le cadre de la semaine sans pesticides : « les politiques sont des lâches. Les engagements du plan Ecophyto ne sont pas respectés. Nous sommes face à des incultes, des irresponsables qui se couchent devant le lobby de l’agrochimie. Je suis en colère, je suis indigné. Il faut bannir les pesticides ». Tout un programme !

D’autres incohérences dans les actions de lutte contre la pollution s’observent. On peut citer les divergences apparues en 2015 et 2016 entre la ministre de l’écologie Ségolène Royal et le premier ministre Manuel Valls à propos des actions à mettre en œuvre sur les rejets industriels des sites de production, comme par exemple ceux de l’usine de fabrication d’alumine de Gardanne dans les Bouches du Rhône. Ce reportage de France 3 du 29 janvier 2016 résume bien le contexte.

 


Les responsables politiques produisent des rapports, mènent des enquêtes, font des propositions, présentent des recommandations pour lutter contre les pollutions. Mais force est de constater que c’est la politique des petits pas qui est mise en œuvre.

La question de la pollution de l’air ne peut être isolée des pollutions de l’eau et des sols car tout est lié. Les propositions et préconisations présentées dans ces rapports nous renseignent sur le manque cruel de coordination entre les responsables politiques, les services de l’état et sur la dilution des responsabilités. Nous sommes toutes et tous impliqué(e)s dans la production des pollutions et il est possible qu’en 2032…

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