Léa David et Nathalie Di-Méglio, deux scientifiques engagées volontaires pour protéger la vie marine !

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le monde de l'écologie

Il y a des personnes bienveillantes ; c’est le cas de Nathalie Di-Méglio et Léa David, toutes deux docteurs en écologie marine, cétologie et ornithologie. Elles ont une passion commune pour les mammifères marins depuis leur enfance. Ce que vous allez lire est le témoignage de deux femmes scientifiques indépendantes qui se sont associées pour veiller sur les équilibres marins et sur les cétacés. Elles ont créé en 2004, eco-océan institut, un centre de recherche spécialisé dans la conservation des vertébrés marins en milieu naturel.

Christian Coste : environnement, écologie, conservation, protection, quels sens prennent ces mots pour vous ?

Nathalie Di-Méglio : « En mer méditerrané, le trafic maritime augmente, plaisance, transports commerciaux. En surface, les impacts sont invisibles, mais les fonds marins sont impactés par la surpêche et la pollution. Une anecdote. Dans les années 90, je participais à une mission sur un bateau de l’IFREMER, et je vois une bouteille pastique, puis deux, puis trois, flotter à proximité de la coque. C’était le cuisinier qui jetait les bouteilles avec leur bouchon bien vissé et qui m’a dît : « mais ne t’en fais pas, ça va arriver à la plage, après on le nettoiera ». Maintenant quand quelqu’un jette une bouteille en plastique à la mer, il a conscience qu’il fait mal et il veut le faire.  Aujourd’hui dans notre société, beaucoup de gens, même les jeunes, ne se respectent pas. Ils ne savent plus se respecter sinon, ils ne feraient pas tout ce qu’ils font.

« Ne pas mettre au sommet les intérêts humains et économiques, ne pas faire d’anthropocentrisme. »

L’environnement, ça veut dire ce qui est autour, or, les humains font partie de la nature, « on » est un tout et tant que l’on ne tiendra pas compte de ça on ne fera pas quelque chose de correct. Penser toujours aux intérêts des humains en pensant que la nature, la planète doit se plier à ça, il y a un déséquilibre. Je ne suis pas une militante écologiste qui dît, « Oh l’homme tout ce qu’il fait est mauvais », mais je pense qu’il faut penser global et ne pas mettre au sommet les intérêts humains et économiques. Ne pas faire d’anthropocentrisme. Et j’ajoute que l’on ne peut pas faire sans le respect de l’autre et de soi, et l’autre sous toutes ses formes, pas seulement humain. J’ai un dicton qui me suit depuis toujours : ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse.

« Les cétacés, ça se mérite »

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L’écologie, c’est vaste, c’est l’étude d’un tout. C’est prendre en compte l’ensemble des éléments. Les contraintes des lois et des règlementations font avancer les choses, les sensibilisations (éducation à l’environnement) aussi. Il y a par exemple des orientations dans la construction de certaines voitures,…ça avance, pas comme ça devrait mais globalement, dans la tête des gens, l’écologie commence à être prise en compte. On ne va pas assez loin parce-que politiquement il y a des intérêts économiques en jeu et au lieu d’oser, c’est le train train, la peur, les lobbys.

Un autre sujet qui me concerne directement c’est le Whale Watching uniquement commercial. J’ai le sentiment que les politiques au nom de l’économie sont prêts à toutes les erreurs d’évaluation. Il n’y a pas de limite à cette activité touristique, nager avec les dauphins. C’est de la consommation uniquement. Ça dérange les mammifères marins et ça n’apprends rien aux participant(e)s.

Les cétacés, ça se mérite, et quand on se paie du dauphin sans faire d’effort, ce n’est que du divertissement. L’association souffleurs d’écume a soutenu la mise en place d’un label  whale watching qui concerne le sanctuaire Pelagos et oblige à une approche respectueuse des animaux dans leur milieu naturel et à la transmission des connaissances sur les cétacés et le milieu marin.

Quand j’était enfant, en visitant le Delphinarium d’Antibe, j’ai dis à mes parents, je les étudierai mais pas là dedans, pas en captivité. J ‘ai toujours du mal avec la captivité, zoo ou delphinarium ».le monde de l'écologie

 

 

 

 

 

Cachalot © N.Di-Méglio

CC : Même question à Léa David : environnement, écologie, conservation, protection, quels sens prennent ces mots pour vous ?

« Ce que je voudrais dire c’est que dans la conservation et la protection, on ne conserve jamais les animaux et on ne protège jamais les animaux, on gère les activités humaines, donc c’est l’humain qu’on gère. Moi je ne peux pas dire à un dauphin, viens manger là, reproduit-toi là. Dans le cadre de ma zone d’étude, on gère l’humain qui impacte l’habitat des cétacés, ses ressources, et l’animal lui même, donc oui, ce sont des activités humaines que nous gérons, nous ne gérons pas les populations de dauphins sauvages. Si les cétacés vont bien ça veut dire que nous allons bien, que nous vivons dans un environnement sain, car leur environnement, c’est le notre aussi. Ils sont un peu notre pendant en mer comme nous sur la terre, en haut de la chaine alimentaire ; donc si eux ne vont pas bien, vu que tout est lié, nous on ira pas bien. Si eux ne vont pas bien, c’est que la mer ne va pas bien. Ils sont la partie émergé de l’iceberg.

« Certes toute activité à un impact, mais cet impact n’est pas forcément négatif ».

Observation - © N.DM

Observation – © N.DM

Nous avons dernièrement réalisé une étude collaborative sur le grand dauphin des côtes française (golfe du lion, Provence et Corse) qui est une des seules espèces de cétacé qui est inclue dans Natura 2000, et c’est aussi l’espèce la plus côtière donc celle qui subit le plus d’impact des activités humaines. On a pu démontrer que la population se porte bien, plutôt en augmentation. On a aussi observé comment ils utilisaient le territoire, pour savoir si on trouve les mêmes dauphins à Port Vendres, à Marseille, à Cannes ou en Corse. Notre institut à surtout travaillé sur le Golfe du Lion. Nous avons un catalogue sur le Golfe du lion de 800 à 1000 individus. Nous n’avons pas réussi à identifier des zones d’alimentation, de mise bas, du coup en terme de protection nous avons fait des recommandations pour élargir les zones côtières Natura2000 plutôt que d’en créer d’autre. L’idée des ces zones n’est pas d’exclure toute activité humaine, mais de réduire les impacts négatifs. Le grand problème des croyances vis a vis des zones protégées c’est qu’il y a une levée de boucliers de tous les acteurs qui disent « Hou la on va m’interdire de faire ce que je fais ». En fait, non pas forcément, si l’activité n’impacte pas la vie marine. C’est vrai que toute activité humaine a un impact mais moi je travaille sur des animaux qui sont très mobiles, longévif et intelligents donc ils s’adaptent. Certes toute activité à un impact, mais cet impact n’est pas forcément négatif. Il y a deux publics, deux types d’acteurs, les professionnels qui vivent de leur activité dans le milieu marin et il a celles et ceux qui prennent la nature pour leur terrain de jeu, c’est le cas des consommateurs(trices).

« Vous iriez vous, faire coucou comme ça,  en allant au milieu d’un groupe de lions qui mangent ou qui jouent ». 

Grand Dauphin (Tursiop) © N.DM éco-océan institut

Grand Dauphin (Tursiop) © N.DM éco-océan institut

Aujourd’hui, le tourisme en mer propose des circuits pour voir les dauphins, les baleines dans leur milieu naturel et c’est une perturbation pour les animaux sauvages. Je suis plutôt pour garder un seul delphinarium en France par exemple et faire cesser le whale watching qui est un commerce en augmentation sur la coté française. Il y a une vingtaine d’opérateurs qui proposent des sorties à la demi-journée, à la journée, des sorties accompagnées d’un avion qui part repérer les animaux, des nages avec l’animal. Et il y a une autre voie totalement différente qui est l’éco-volontariat ; c’est une participation à des expéditions de collectes de données sur une semaine, en allant voir les cétacés avec une approche respectueuse, car ce sont des animaux sauvages qui vivent dans leur « maison ». Ce n’est pas dans mon optique de plonger avec les dauphins ou les baleines. Ce que je dis toujours aux gens, vous iriez vous faire coucou comme ça en allant au milieu d’un groupe de lions qui mangent ou qui jouent ? Pourquoi vous allez le faire avec des dauphins parce qu’ils ont le sourire ? Non, ce sont des animaux sauvages. Il faut déjà être content d’en voir un s’il ne s’enfuit pas. Après s’ils s’approchent, quand ils viennent jouer dans la vague d’étrave d’un bateau, on est heureux. Le danger du whale watching, c’est de développer dans l’espace naturel des mammifères marins, un tourisme de masse avec comme objectif pour les touristes, cocher dans leur ToDo list, nager avec les dauphins, fait ! et la conséquence de cette inconséquence, c’est de perturber le milieu dans lequel évoluent des animaux, de les perturber, pour le plaisir égoïste de touristes sans éthique.

Tursiops ©N.Di-Méglio-IMG

En 2004, à l’initiative de Nathalie Di-Méglio avec qui j’ai fait mes études doctorales, nous avons créé éco-océan institut pour être libres de faire les recherches qui nous paraissent importantes et être autonomes pour choisir nos interventions. Eco-océan s’est peu à peu développé autour de trois axes ; recherche, expertise et éducation à l’environnement. Depuis, nous avons réalisé de nombreuses expéditions, analyses et expertises en méditerranée. On a commencé avec le trafic maritime, la plaisance et on travaille dés l’automne 2016 sur les pêcheries. Nous collectons aussi des données sur les méduses, les tortues, les poissons lune, les oiseaux. Notre rôle consiste à donner des outils aux décideurs politiques pour qu’ils fassent leurs choix. Les cétacés sont en bout de chaine alimentaire, comme nous.  Si on ne préserve pas suffisamment l’environnement pour arriver à préserver ces espèces là, l’environnement sera mort ».

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A la création d’éco-océan Institut , Nathalie Di-Méglio voulait associer aux activités de recherche un volet éducatif de transmission des savoirs. Elle se réjouit de partager ses connaissances. Peut-être qu’elle a, dît-elle, une sensibilité à l’enseignement en liaison avec des métiers exercés avant d’être indépendante, quand elle était monitrice de colonies de vacances pendant ses années d’études ou prof des sciences de la vie et de la terre à l’éducation nationale.

Elle crée des projets découverte pour des enfants de tous âges et dirige le projet Nouvel Horizon d’éco-océan institut, à destination d’enfants atteints du cancer. Nouvel horizon

   

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